Home
Evacuons avant toute chose les diverses polémiques qui ont éclos la semaine passée. Oui, PPR se paie une bonne conduite en finançant le film, et alors ? A nous (et aux journalistes) de ne pas se faire avoir par ce verdissage en bonne et due forme. Oui, PPR fait feux de tout bois en proposant des produits dérivés de luxe mais bon, un T-shirt Gucci estampillé HOME à 140€ : c'est ridicule, n'est-ce pas ? Quant à l'influence supposée du documentaire sur les élections européennes, c'est faire bien peu de cas de l'intelligence des électeurs (je vous demande si les votes UMP ont été favorisés par Les Experts ? [d'autres idées d'influences possibles sur écrans.fr)
Home, attendu avec impatience, encensé et décrié tant avant qu'après sa sortie en grande pompe mérite qu'on s'y arrête quelques instants. Qu'est-ce qu'Home ? des images, une musique et une voix off. Un film me direz-vous ? Hum, pas franchement. Tous les plans sont fixes (si l'on excepte parfois les moutons qui se déplacent dans une plaine ou les gouttes d'eaux projetées par une cascade) [Les mauvaises langues diront qu'il a fait des travelling sur des photos de La Terre vue du ciel] et ne sont reliées que par l'histoire que nous déroule la voix off.
Autant le dire tout de suite, Arthus Bertrand, qui dicte le texte français détruit toute la poésie des images et agace au plus haut point. Comédien, c'est un métier ! Les anglophones ont droit à "la narration surréelle et pourtout émotive de Glenn Close" (commentaire IMDB) tandis que nous n'avons qu'un texte surjoué et des accentuations que Cabrel ne renierait pas. Voila une tarre que ne devrait pas avoir la version cinéma où officie Jacques Gamblin.
Passe encore l'amateurisme de la voix off si le commentaire n'était pas aussi mielleux et le ton sacerdotal. « On communie ad nauseam devant la beauté bio, écolo-guimauve d’un atoll en forme de cœur. La transe est accentuée par la musique, onirique à souhait, toute en trémolos vocaux et arrangements planants. » écrit assez méchamment (mais pas sans raison) Iegor Gran dans une tribune publiée dans Libération. Il faut dire que le lyrisme est parfois d'un goût douteux et les métaphores pas de première originalité (« l'arbre de la vie », « le levain de notre vie », « la terre ne calcule le temps qu'en millions d'années »...).
Home ce sont des images (splendides bien entendu), mais surtout un texte politique qui n'hésite pas à faire appel à l'anaphore, la figure de rhétorique du tribun s'il en est, pour appuyer son propos (avec un dialogue intéressant entre « tout s'accélère » dans la première partie et « il est trop tard pour être pessimiste » dans la conclusion). Un texte politique certes, mais qui est entièrement fondé sur l'émotion. Même si la politique-émotion est à la mode de nos jours, on peut sérieusement s'interroger sur l'impact à long terme d'un message délivré par l'émotion et si cette dernière laissera place à un comportement actif une fois le sentiment évaporé.
De là, j'avoue préférer grandement Une Vérité qui dérange ou Over [1] qui, tout en faisant grandement usage d'image de toute beauté ne les sublime pas systématiquement par un angle esthétisant propre à Arthus Bertrand (où les images illustrant la pollution sont aussi belles que celles de la nature inviolée), fournissent des éléments de réflexion dépassant le stade du : polluer, c'est mal ; la nature, c'est bien.
En même temps, peut-être valait-il mieux ne pas trop s'aventurer dans les tréfonds d'une argumentation approfondie. Si le photographe est attiré par la théorie malthusienne sans s'y risquer vraiment, il tend à réinterpréter le passé avec une grille de lecture actuelle voyant la déchéance de l'île de pâques dans la famine et les émeutes sociales.
Le message est clair, je n'ai pas aimé Home plus que cela. Cependant, ce docu-film a le mérite d'exister ne serait-ce que pour les quelques (centaines/milliers/millions) de personnes qu'il a sensibilisé au problème du réchauffement climatique.
J'étais étonné lors de ma tournée dominicale au marché de remarquer que si Home jaillait çà et là dans la conversion, ce n'est pas les images qui avaient le plus retenu l'attention (c'est beau, rien de neuf), mais bien les statistiques (dans les 5 dernières minutes) indiquant combien de litres d'eau représentait un kilo de viande ou un T-shirt de coton. Tant que l'écologie ne représente qu'une idée abstraite, l'adhésion n'est pas reliée à l'action ; lorsque l'écologie deviendra une variable d'arbitrage (à la manière du classement de A à G de l'efficacité énergétique des appareils ménagers) et ce à chaque instant, les réactions citoyennes se concrètiseront, Rien n'est perdu.
Parce que toute l'écologie tourne autour d'une opposition frontale entre la dégradation de l'environnement et l'espoir d'un redressement, j'aimerais terminer ce billet qui fait revivre ce blog un tantinet endormi par une conclusion profiteroles.
« - Mais enfin, est-ce que je parle assez clairement oui ou non ? gueula Morel. La seule chose qui m'intéresse, c'est la protection des élephants. [...] C'est pourtant assez clair ?
- Oui, dit le Danois, avec un peu de tristesse. Bien sûr. Mais il ne sera pas convaincu. Je connais tout ça depuis bien longtemps. En Finlande, lorsque je défendais les forêts et que les fonctionnaires russes m'expliquaient patiemment que la pâte à papier, c'est tout de même plus important que les arbres, c'était la même chose... Ils n'ont compris que lorsqu'il n'est resté presque plus de forêts. Ça continue, quoi. Et les baleiniers m'expliquaient que la graisse de baleine était nécessaire sur le marché, que c'était beaucoup plus important que les baleines... »
Tiré des Racines du ciel de Romain Gary qu'un billet aguichant d'Aliocha a mis en haut de ma liste de lecture récemment.
Et un message d'espoir à voir absolument.
[1] Dans le même genre qu'Over et sur internet, essayez ce blog-ci.
Le message est clair, je n'ai pas aimé Home plus que cela. Cependant, ce docu-film a le mérite d'exister ne serait-ce que pour les quelques (centaines/milliers/millions) de personnes qu'il a sensibilisé au problème du réchauffement climatique.
J'étais étonné lors de ma tournée dominicale au marché de remarquer que si Home jaillait çà et là dans la conversion, ce n'est pas les images qui avaient le plus retenu l'attention (c'est beau, rien de neuf), mais bien les statistiques (dans les 5 dernières minutes) indiquant combien de litres d'eau représentait un kilo de viande ou un T-shirt de coton. Tant que l'écologie ne représente qu'une idée abstraite, l'adhésion n'est pas reliée à l'action ; lorsque l'écologie deviendra une variable d'arbitrage (à la manière du classement de A à G de l'efficacité énergétique des appareils ménagers) et ce à chaque instant, les réactions citoyennes se concrètiseront, Rien n'est perdu.
Parce que toute l'écologie tourne autour d'une opposition frontale entre la dégradation de l'environnement et l'espoir d'un redressement, j'aimerais terminer ce billet qui fait revivre ce blog un tantinet endormi par une conclusion profiteroles.
« - Mais enfin, est-ce que je parle assez clairement oui ou non ? gueula Morel. La seule chose qui m'intéresse, c'est la protection des élephants. [...] C'est pourtant assez clair ?
- Oui, dit le Danois, avec un peu de tristesse. Bien sûr. Mais il ne sera pas convaincu. Je connais tout ça depuis bien longtemps. En Finlande, lorsque je défendais les forêts et que les fonctionnaires russes m'expliquaient patiemment que la pâte à papier, c'est tout de même plus important que les arbres, c'était la même chose... Ils n'ont compris que lorsqu'il n'est resté presque plus de forêts. Ça continue, quoi. Et les baleiniers m'expliquaient que la graisse de baleine était nécessaire sur le marché, que c'était beaucoup plus important que les baleines... »
Tiré des Racines du ciel de Romain Gary qu'un billet aguichant d'Aliocha a mis en haut de ma liste de lecture récemment.
Et un message d'espoir à voir absolument.
[1] Dans le même genre qu'Over et sur internet, essayez ce blog-ci.